Dans un petit appartement du 20e arrondissement de Paris, Céline vit seule depuis la mort de sa mère. D’elle, elle a gardé seulement un collier, un cadeau que sa grand-mère avait offert à sa mère il y a longtemps. Avant, on pouvait l’ouvrir pour y mettre une photo ou un petit objet, mais avec les années, il est devenu vieux et ne s’ouvre plus.
Sa mère disait toujours : « Porte-le près de ton cœur, et ainsi je serai toujours avec toi. » Céline avait ri, à l’époque. Maintenant, les soirs d’hiver, elle le porte sans trop y croire, espérant un signe, une chaleur, quelque chose. Elle n’oublie jamais de le mettre sous ses tee-shirts, caché au creux de sa poitrine. Pourtant, sa mère ne lui a jamais semblé aussi loin qu’aujourd’hui.
Chaque jour, elle prend le métro pendant quarante-cinq longues minutes pour aller à son travail dans une librairie. Elle aime conseiller les lecteurs et discuter avec ses collègues, mais une petite voix dans sa tête lui répète que sa vie est sans relief.
« Je m’ennuie, mon Dieu, pourquoi tout me paraît si vide ? » pense-t-elle souvent.
Elle voudrait écrire, danser, lire, étudier, faire des projets… mais rien ne la motive vraiment. Son carnet reste aussi vide que son cœur, comme si les mots s’étaient envolés en même temps que sa mère.
Un soir de pluie, alors qu’elle rentre tard, Céline aperçoit une jeune femme assise dans l’entrée de son immeuble. C’est Jeanne, une amie rencontrée récemment dans son ancien travail. Trempée, le regard triste, elle lui demande simplement :
— Je peux monter chez toi ?
Sans réfléchir à l’heure ni à ce qu’elle a à faire, Céline l’invite à entrer. Jeanne s’assoit dans la cuisine, silencieuse. Son manteau goutte sur le carrelage. Céline cherche une bougie et l’allume pour réchauffer un peu la pièce. Elle la pose sur la table, juste à côté du collier qu’elle avait laissé là. Jeanne le remarque et s’approche pour le regarder de plus près.
— C’est un joli collier, dit-elle. Qu’y a-t-il à l’intérieur ?
Céline sourit.
— C’est un souvenir de ma mère, mais il ne s’ouvre plus depuis longtemps. Il m’est très précieux.
Elle reprend le collier des mains de Jeanne et le tourne par habitude… et soudain, le collier s’ouvre. Céline recule, surprise. La pièce semble plus chaude, comme si une énergie douce venait du bijou. Jeanne le regarde et murmure :
— Il y a une mèche de cheveux à l’intérieur. Je me demande à qui elle appartient.
Céline reste immobile. Pourquoi le collier s’ouvrirait-il après toutes ces années ? Quand elle se tourne vers Jeanne, celle-ci lui sourit d’une manière si chaleureuse qu’elle se sent tout de suite plus calme. La bougie continue de brûler sans bouger, et Jeanne, qui semblait si triste en début de soirée, part avec un regard plein de paix.
Le lendemain, Céline retourne à la librairie. Devant son carnet vide, qu’elle a regardé mille fois avec frustration, elle ressent quelque chose de différent. Ce n’est plus un simple carnet : c’est une possibilité de créer. Le carnet semble lui dire : « Maintenant, c’est ton tour. »
Alors, elle écrit. Des jours, des soirs entiers, elle ne s’arrête plus. Les mots viennent facilement, comme si quelqu’un l’aidait. Elle travaille beaucoup et préfère rester seule pour avancer dans son écriture.
Mais les fois où elle oublie de mettre son collier, sa motivation baisse et elle a envie d’abandonner. Elle se promet donc de le porter chaque jour, du matin au soir. Le silence de l’appartement devient un ami, non plus un poids. Sa vie semble briller d’une lumière nouvelle.
« Merci, mon Dieu, la vie ne m’a jamais semblé aussi belle », se dit-elle.
Les semaines passent. Avec son collier autour du cou, Céline remplit ses pages d’encre et son cœur de joie. Elle ne cherche plus à fuir sa vie : elle la transforme. Après six mois de travail, elle envoie son manuscrit à plusieurs maisons d’édition. Les éditions Actes Sud lui répondent : ils veulent publier son manuscrit.
Heureuse, Céline décide d’appeler Jeanne, qu’elle n’a pas revue depuis ce fameux soir.
— Depuis la fois où tu es venue, et où le collier s’est ouvert, j’ai senti quelque chose s’ouvrir dans mon cœur. Je voulais juste te dire merci.
— Céline, réponds Jeanne, je n’étais pas chez toi ce soir-là… J’étais à l’anniversaire d’Arno, notre collègue. Tu ne confonds pas les jours ?
Céline reste sans voix. Qui était donc cette femme ?
Six mois plus tard, son livre est publié et vendu dans sa propre librairie. Le titre, écrit en lettres dorées, se nomme : « Collier et amour ».
Céline sourit. Le collier brille doucement sur sa poitrine — comme la joie qui vit dans son cœur. Elle n’est plus seule ni vide, mais entière et heureuse.